Rencontre avec les chargé·e·s de financement Agri
Pourquoi existe-t-il des chargé·e·s de financement spécialisé·e·s dans les questions agricoles ? Y a-t-il vraiment un regard spécifique à avoir ?
Elise Colbert (E.C). Nous ne travaillons pas vraiment sur les mêmes modèles économiques, qui sont liés aux temps de production. Le vocabulaire, la règlementation, les réseaux de financements et les partenaires sont bien spécifiques.
François Monat (F.M). Effectivement c’est un écosystème complètement à part. L’agricole, cela veut dire travailler avec du vivant. Cela a des implications fortes. Par exemple, sur deux fermes en maraîchage, nous pouvons avoir des prévisions totalement différentes. Ce n’est peut-être pas le même climat, pas le même sol, pas les mêmes techniques de production. Souvent, ce sont aussi des projets de vie car c’est du temps long. La motivation du·de la porteur·se de projet sera donc centrale.
E.C. Les parties « pro » et « perso » sont souvent très imbriquées et difficilement séparables. C’est le cas par exemple sur un projet de reprise d’exploitation, lié aussi au rachat du lieu d’habitation sur le site.
Quels sont les types de projet qui passent entre vos mains ?
F.M. C’est variable. Même s’il y a des tendances assez nettes. En 2021 : 80 % des projets étaient en agriculture biologique et 90 % étaient des projets avec un cahier des charges (Bio, Label Rouge, AOP, etc.). De nombreux projets incluent de la vente directe ou en circuit court. La majorité est portée par des gens non issus du milieu agricole.
E.C. Nous suivons aussi des projets collectifs ou d’ESS (Economie Sociale et Solidaire) qui ont une composante agricole. Les Jardins de Cocagne par exemple (qui sont des exploitations maraîchères biologiques à vocation d’insertion sociale et professionnelle).
En plus des outils de financement (tels que la garantie bancaire ou le prêt d’honneur), vous avez mis en place le FIA (le Fonds d’Investissement Agricole) depuis janvier 2022. Une solution sur mesure. En quoi consiste cet outil ?
E.C. C’est un outil de financement qui va s’orienter vers des projets qui sont des petits plans de financement, des porteur·se·s de projet un peu plus précaires, qui ne sont pas encore financé·e·s par les banques. Soit parce qu’il·elles ont peu d’apport ou peu d’expérience, soit parce que ce sont des personnes qui veulent juste se tester et démarrer à leur échelle. Il n’y a pas de cofinancement bancaire obligatoire.
F.M. Le FIA est vraiment fait pour des projets non « banquarisables ». Les potentiels bénéficiaires sont des installations progressives, pour des gens qui veulent démarrer « petit ». Et pour le moment, il y avait un trou dans la raquette, avec peu ou pas de réponses pour ces projets. On est dans un contexte où énormément de gens veulent faire des reconversions dans l’agriculture. Il·elles ne rentrent pas forcément dans les critères des dispositifs de soutien aux installations agricoles classiques. Le FIA, c’est une solution pour leur permettre de mettre le pied à l’étrier. Le contexte global nous fait dire que c’est intéressant d’aller vers ce type d’outil parce que l’agriculture va continuer à évoluer de plus en plus vite. La population agricole s’est réduite comme peau de chagrin. De plus en plus de gens qui ne sont pas issus du milieu agricole ont besoin d’y aller de manière progressive car les compétences pour devenir agriculteur·rice ne s’acquièrent pas en 2 ans.
Qu’est-ce qui fait sens dans ce que vous faites ?
F.M. On accompagne la transition agricole et agroécologique. Elle est urgente. Il faut qu’elle accélère considérablement, qu’elle soit profonde, qu’elle génère des emplois, qu’elle préserve la biodiversité. Nous avons la chance d’avoir un travail qui nous permet d’y contribuer concrètement.
E.C. Jusqu’à présent en agriculture, c’était toujours de plus en plus gros. Donc accompagner des porteur·se·s de projet qui repartent d’une plus petite échelle et avec une vision nouvelle, c’est très inspirant. C’est un enrichissement mutuel. De notre côté, nous cherchons à questionner leurs projets avec un regard critique, sans être dogmatique.
F.M. Le monde agricole est très polarisé. Nous avons aussi la chance de ne pas être affilié·e·s à un camp, de ne pas avoir une étiquette sur le front. Je trouve intéressante notre position dans cet écosystème, avec le fait de pouvoir tout simplement porter une vision liée à la transition et à l’agroécologie.
Contacts des chargé·e·s de financement Agri :